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Un cours intensif de capitalisme

8 December 2008

Par le collaborateur de l'IIRF Claudio Katz

Le séisme de Wall Street a surpris l’establishment mondial. La panique et les déclarations alarmistes dominent aux sommets du pouvoir. Tous enregistrent un événement qui pourrait inaugurer un changement d’époque. La comparaison avec la chute de Berlin constitue un indice de cette dimension historique.

La crise actuelle a commencé à incuber en juin 2007 avec l’effondrement des fonds d’assurances administrés par Bear Stearns et a fait voir sa force lors de la nationalisation de la banque britannique Northern Rock. De cette gestation on est passé à des événements dont la profondeur saute aux yeux.

Ampleur et coûts

 

La conversion rapide des problèmes de liquidité en déficits insolvables illustre dès le début l’énorme dimension d’une crise qui n’a pu être contenue par des replâtrages partiels. La réduction des taux d’intérêts s’est avérée inutile, de même que la tentative de former un fonds de sauvetage géré par les banques. La mise à la disposition de fortes provisions d’argent ni l’aide des fonds souverains extérieurs n’ont pas suffit non plus.

 

Le gouvernement des États-Unis a pratiqué plusieurs initiatives contradictoires pour atténuer l’explosion. En permettant la faillite de Lehman Brothers il a laissé entrevoir la possibilité d’un nettoyage brutal des banques qui coulaient et a essayé de fixer certaines limites aux opérations de sauvetage. Il accordait ainsi à la Réserve Fédérale les pleins pouvoir pour juger qui devrait être sauvé et qui pouvait se noyer. Mais comme cela a semé la terreur chez les financiers, il a rapidement rebroussé chemin.

 

La variante opposée, visant à étatiser toutes les pertes, a été consolidée par la nationalisation de l’AIE. Le soutien officiel accordé au plus grand assureur mondial (et à son gigantesque portefeuille de fonds de pensions) a ainsi complété le sauvetage préalable de Fannie Mae et de Freddie Mac, qui financent la moitié des logements aux États-Unis. Le fait que ces institutions semi-publiques aient été contaminées indique à quel point les problèmes initiaux des crédits de mauvaise qualité (les subprimes) ont déjà été dépassés. La nouvelle série d’étatisations viendra en aide au nouvelles victimes de l’ouragan : les fonds de couverture, les fonds du capital à risque (qui opèrent avec des titres hautement spéculatifs) et les fonds monétaires (qui agglutinent les investissements moins audacieux et non exempts de la garantie étatique). Mais ce sont les banques commerciales qui constituent le point critique.

 

La faillite de Washington Mutal a inauguré l’effondrement qui menace de s’étendre à 117 entités mineures surveillées par le FDIC (organisme officiel de garantie). Certaines estimations pronostiquent le requiem pour la moitié des 8 500 banques. En tout cas, la crise a déjà atteint les banques d’investissement (qui rassemblaient l’argent directement dans les circuits financiers) et affecte tout le système, avec des paralysies atteignant les opérations interbancaires et les insinuations de mise en danger des dépôts.

 

On observe également une vertigineuse vague d’acquisitions dans ce cadre. Merry Lynch a été capturé par la Bank of America, Bearn Stearn a été pris par Morgan Stanley, Wachovia est passé dans les mains de Citigroup (ou Wells Fargo) et Goldman Sachs a mis en vente son paquet d’actions. Ce virulent changement de propriétaires s’est étendu à l’échelle internationale avec l’acquisition du britannique HBOS par Lloyds et avec l’absorption des succursales de Bradford and Bingley par l’espagnol Santander.

 

Certains acheteurs (Barclays) s’approprient la petite monnaie de leurs vieux concurrents (Lehman) ou picorent leurs déchets. Le résultat de tout cela sera un niveau inédit de concentration bancaire. Ceux qui survivront à leurs paris (éventuellement le trio JP Morgan Chase, Bank of America et Citigroup) prendront la direction de l’ensemble du système financier américain. Cette centralisation est précédée par une furieuse dévaluation des capitaux en jeu, traitée jusqu’à présent dans la sphère financière.

 

Une autre option en cours est celle de la nationalisation des hypothèques toxiques que le Congrès examine dans un climat de chantage boursier. Les financiers (présentés comme « le marché ») ont exigé l’aide publique pour permettre à l’économie de ne pas sombrer (« restaurer la confiance »). Ils ont demandé au gouvernement qu’il se porte acquéreur des titres dépréciés pour les revaloriser avant de les revendre.

 

Ce sauvetage ressemble à celui obtenu par les financiers mexicains en 1995. L’État y a également racheté alors les titres dévalorisés, nettoyant ainsi les bilans des entreprises et a commercialisé les obligations à pure perte du budget. Les spéculateurs avaient créé un climat de panique pour que cette nouvelle escroquerie soit bénie comme un soulagement.

 

Mais cette fois-ci l’aide effrontée apportée par l’État aux responsables de l’effondrement a produit une indignation contre les banquiers qui remettent en cause leurs sacro-saintes règles du marché libre. Ce rejet de Wall Street — qui n’avait pas été observé depuis Roosevelt — a obligé les législateurs à incorporer quelques restrictions au chèque en blanc initialement réclamé par la Réserve Fédérale. Les amendements incluent donc des réductions fiscales de différents types, pour créer l’illusion d’une distribution plus équitable de la charge.

 

Le malaise généralisé exprime, en outre, l’intuition massive d’un gaspillage inutile. Si l’avenir confirme que les deux tiers de crédits hypothécaires sont totalement irrécouvrables une montagne d’argent aura été dilapidée. Il est évident qu’aucune ingénierie financière ne peut résister à l’effondrement continu du prix des propriétés ni à la détérioration éternelle du revenu de leurs acheteurs.

 

Pour cette raison le Congrès patronne également une certaine forme de renégociation des hypothèques entre les endettés et des banques avec la médiation de l’État. Mais seul un contexte de récupération économique — qui apparaît éloigné — pourrait fournir un soutien à une telle initiative.

 

Pour l’instant, c’est une crise sans solution envisageable qui prédomine et qui a mis en cause tous les principes néolibéraux. Dans un climat d’intervention de l’État et de subventions, le régulateur est le bienvenu et le marché est mis en question. Mais comme le sauvetage n’est pas gratuit il faudra se résoudre à une opération d’un coût inconnu. L’émission des titres sur des titres a été tellement sophistiquée que personne n’est en état de calculer le montant qui est en jeu.

 

En juillet 2007 la Réserve Fédérale estimait les pertes à environs 50 milliards de dollars. Au début de l’année 2008 le chiffre a sauté à 512 milliards de dollars et les évaluations actuelles tournent autour de 1 000 à 2 000 milliards de dollars. Comment une facture semblable sera-t-elle payée ?

 

Les grandes crises bancaires des dernières décennies ont eu des coûts monumentaux pour les pays sous-développés. Elles ont concerné 55,1 % du Produit intérieur brut (PIB) de l’Argentine (1980-1987), 55 % de celui de l’Indonésie (1997-2004) et 34 % de celui de la Thaïlande (1997-2004). Mais ce pourcentage a à peine atteint 3,2 % du PIB lors du dernier grand sauvetage financier aux États-Unis (1981-1991). Pour la première fois depuis des décennies la première puissance devrait affronter un trou financier-fiscal à grande échelle.

 

Impact récessif global

 

L’éclatement de la crise a transformé le ralentissement économique en une récession manifeste. Le frein est déjà perceptible dans la chute des investissements, la stagnation de la consommation et la fragilité des exportations états-uniennes. La discussion entre les optimistes et les pessimistes en ce qui concerne le futur niveau de l’activité est déjà tranchée par un diagnostic commun de chute du PIB.

 

Il n’y a déjà plus de marges permettant d’agir par des réductions du taux d’intérêt alors que l’opération financière visant à reprendre les pertes et à purger les portefeuilles précipite la contraction du crédit et l’escalade déflationniste. Depuis les années 1960 toutes les récessions précipitées par des effondrements immobiliers ont été de longue durée.

 

La consommation à crédit qui soutenait l’économie états-unienne a été touchée de front et on s’oriente vers une crise sociale profonde. Les débiteurs désespérés qui abandonnent leurs logements pour éviter la liquidation sont les premières victimes de ce cauchemar. La pagaille immobilière menace une population déjà irritée par l’augmentation du prix de l’essence, qui craint le chômage dans un pays ne disposant pas de protections sociales significatives. Ce climat accroît l’indignation contre les exécutifs de Wall Street dont les recettes ont, au cours des trois dernières décennies, passé de 40 à 344 fois le salaire ouvrier moyen.

 

Le rôle international de l’économie états-unienne détermine la transmission accélérée de sa récession. Wall Street seule manie un volume de fonds supérieur à celui de l’ensemble des Bourses européennes. Les États-Unis concentrent 20 % du PIB mondial, mais leurs importations déterminent le commerce mondial et leurs entreprises transnationales donnent le ton à la production de l’ensemble de la planète. De plus, le saut de la mondialisation a augmenté la synchronisation internationale des cycles économiques.

 

L’espoir initial d’un découplage cyclique conduit par l’Europe a été écarté à la suite des étatisations qui ont suivi la vague états-unienne (Fortis au Bénélux, Bradford and Bringley en Angleterre, Glitnik en Islande…). Le vieux continents est confronté aux mêmes problèmes de crédits irrécouvrables que les États-Unis, en menant de plus une politique monétaire dure qui tentait d’homogénéiser autour de l’euro les situations nationales différentes.

 

La crise a non seulement miné cette tentative mais a divisé les gouvernements entre les partisans d’un fonds général de récupération et les promoteurs des sauvetages à charge de chaque budget national. Cette rupture indique évidemment que la santé des banques est très différenciée dans la région. Toute tentative européenne visant à soutenir le projet néolibéral d’unification à travers des taux d’intérêts élevés est, en outre, sérieusement menacée par le refroidissement de l’activité qu’il imposerait. Pour sa part le Japon ne résista pas non plus devant la récession, devant faire face en plus à sa dépression propre. L’économie japonaise a moins d’autonomie que celle de l’Europe pour peser en dehors de son domaine d’influence étroit. Elle commençait à peine à récupérer quand elle fut heurtée de plein fouet par l’effondrement états-unien.

 

Le rôle compensateur que certains espéraient de la Chine et de l’Inde a été dilué, car il n’y a pas de locomotive capable de tirer un convoi qui a complètement déraillé. On a beaucoup débattu si la Chine pourrait résister au ralentissement mondial du fait de l’expansion de son marché intérieur. Certains économistes ont avancé cette possibilité alors que d’autres l’écartaient, en rappelant la dépendance du marché états-unien de la croissance asiatique. Mais de toute façon l’éventualité d’un contrepoids chinois était envisageable seulement dans le cas d’un ralentissement modéré dans les centres de l’économie mondiale et non dans le cas de la récession brutale qui a eu lieu. C’est pourquoi le désaccouplage annoncé tend à se transformer en un réaccouplage de l’Asie à la crise générale.

 

Comparaisons

 

De nombreux analystes cherchent dans les crises précédentes un guide pour imaginer les possibles développements du choc actuel. Les analogies initiales avec le krach boursier de 1987 ou avec l’éclatement de la bulle technologique en 2001 ont déjà été complètement dépassées. Dans les deux cas les actifs en jeu étaient des actions et non les logements et aucune de ces crises n’a conduit à des effondrements bancaires. Ils ont seulement précipité des récessions d’une intensité et d’une durée limitées que la réactivation de la consommation a absorbé dans une délai relativement bref.

 

Le fait d’écarter la ressemblance avec ces déclins de faible portée a imposé les comparaisons généralisées avec la dépression des années 1930. De nombreux économistes soulignent les points en coïncidence avec cet antécédent classique de l’effondrement généralisé. Mais on compare la profondeur éventuelle de la chute et non les modalités de la crise. L’intensité du recul de la production et de la régression sociale atteindra-t-elle cette ampleur ? Pour l’instant il s’agit d’une inconnue. Mais la dynamique du processus en cours présente de nombreuses différences avec la voie qui a conduit à 1929. Les mesures qui ont été appliquées il y a quatre-vingt ans après le krach ont été cette fois-ci mises en œuvre de manière anticipée. L’injection des liquidités réalisée ces derniers mois aurait horrifié Hoover (1) et suscité les applaudissements de Keynes. De même actuellement on limite le plongeon des banques et on n’envisage pas des augmentations des taux d’intérêt. Il faudra voir si ces mesures atténuent l’effondrement économique ou, au contraire, si elles l’aggravent. Mais elles sont employées dans un contexte international très différent du passé.

 

Au cours des années 1930 l’entrelacement actuel des capitaux n’existait pas. Il n’y avait pas non plus de coordination entre la Réserve Fédérale et les banques centrales d’Europe et d’Asie. Au lieu d’une monnaie internationale de référence, régnait alors un conflit à qui héritera de la primauté de la livre sterling et c’est en fonction de cette aspiration que les grandes puissances dévaluaient leur monnaie. La scène protectionniste de secteurs commerciaux en lutte était aussi fort éloignée de l’actuelle interconnexion imposée par les entreprises transnationales.

 

La grande dépression a dérivé vers une confrontation guerrière entre les principales puissances que personne n’envisage plus au début du XXIe siècle. Une confrontation militaire entre les États-Unis, l’Europe et le Japon est inimaginable.

 

Une autre comparaison à la mode présente la stagnation de l’économie japonaise comme un miroir de ce qu’attendent les États-Unis. Cette économie asiatique a supporté une bulle immobilière très semblable : les prix ont triplé (1986-1991) avant de s’effondrer des deux tiers. Mais le Japon a hésité à mettre en œuvre les mesures orchestrées rapidement par les États-Unis, confirmant ainsi la distance qui sépare une puissance subordonnée d’une puissance dominante. En outre, l’économie japonaise n’a jamais agi comme la locomotive de l’économie mondiale et, en dépendant de la protection militaire états-unienne, elle s’est remodelée avec des mesures commerciales et monétaires (réévaluation du Yen et ouverture de son économie). Mesures que personne n’ose suggérer aux États-Unis.

 

Peut-être que la comparaison la plus adéquate avec l’effondrement économique actuel serait celle avec ce qui s’est produit en 1975-1976. Cette crise a mis fin à une étape (le boom de l’après-guerre) avec la même radicalité que l’effondrement de 2008 pourrait mettre fin au néolibéralisme (instauré par Thatcher et Reagan). En prenant en considération cette référence historique il faut prendre en compte les mesures qui conduisent à des modifications significatives. Il y a trois décennies ces virages furent l’inconvertibilité du dollar (1970) et l’augmentation des taux d’intérêt (1978). La crise actuelle inclura certainement des transformations de cette portée et nous saurons assez vite si ces mesures, qui ont été déjà adoptées, vont atténuer ou au contraire exacerber l’intensité du bouleversement.

 

Les baromètres

 

Plutôt que de tenter de deviner l’ampleur future de la crise, il est plus productif d’en caractériser les tendances. Leurs contours se concentrent dans les faiblesses et les ressources accumulées par la première puissance mondiale.

 

Les indicateurs de la fragilité états-unienne sont visibles, en particulier sur le terrain politique. Bush est un cadavre du projet néoconservateur miné par l’aventure au Moyen-Orient. Cette adversité militaire limite la capacité de l’impérialisme états-unien à transférer la crise sur ses concurrents. Mais la soudaine perte d’autorité présidentielle pour agir face à l’effondrement bancaire est plus significative. Ce n’est pas la proximité des élections qui a érodé son pouvoir mais bien la division de l’élite états-unienne devant le séisme de Wall Street. Depuis Nixon il n’y a pas eu de scénario à ce point volatile.

 

Les faiblesses économiques des États-Unis sont également bien connues. Un déficit commercial de 6 % du PIB ne permet pas un tournant vers un modèle exportateur à la suite de tant d’années d’euphorie des achats. Le pays a le plus grand passif de la planète, la moitié de ses bons de trésor sont dans les mains des étrangers et il approche d’un déficit fiscal record.

 

Mais l’autre face de cette réalité c’est la capacité démontrée par la Réserve Fédérale de protéger le dollar et les bons du trésor de l’effondrement général. Elle s’est avérée capable jusqu’à maintenant de conduire une baisse contrôlée de la devise américaine, préservant un cours attrayant pour l’afflux des capitaux et en même temps stimulant les exportations. Comme les deux niveaux sont contradictoires, l’équilibre requiert une grande prédisposition des créancier pour maintenir la primauté monétaire états-unienne. Cette subordination subsiste jusqu’à présent malgré l’effondrement économico-financier.

 

Au cours de la chute de Wall Street la prédisposition des capitaux pour la qualité a favorisé l’actif qui était en grand danger. Les capitalistes du monde entier se sont paradoxalement abrités en acquérant le dollar et ses bons du trésor, c’est à dire la monnaie et les bons les plus menacés formellement. Aucune autre économie ne pourrait susciter une telle réaction qui obéit évidemment au rôle central des États-Unis dans la reproduction du capitalisme mondial.

 

Ce protagonisme se base sur la protection que le Pentagone garantit à toutes les classes dominantes. Il s’agit là d’une garantie décisive qui modifie tous les modèles conventionnels d’évaluation du processus économique. Il est important de rappeler cette particularité pour éviter d’analyser l’économie états-unienne avec les paramètres identiques à l’analyse de toute autre économie nationale.

 

Le dollar servant de refuge illustre également l’internationalisation croissante des échanges autour d’une monnaie qui monopolise 70 % du commerce et 65 % des réserves mondiales. En soutenant le dollar la majorité des créanciers de la planète défendent leur propre peau.

 

Après le tsunami enregistré au cours de ces dernières semaines il est difficile d’imaginer une simple continuité de cette hégémonie monétaire. S’il parvient à se maintenir comme la monnaie de réserve mondiale, le dollar devrait s’adapter aux nouveaux rapports de forces qui émergent de la crise. L’acceptation d’une plus grande présence des banques étrangères aux États-Unis (en réduisant les vieilles restrictions) pourrait faire partie de cette adéquation. La cession des actions de Morgan Stanley à China Investment ou à Mitsubishi, la vente de Goldman Sachs à Sumitomo Mitsui et le transfert des opérations extérieures de Lehman à Nomura anticipent cette tendance.

 

Pourtant la possibilité d’une rupture du système monétaire, qui obligerait le dollar à partager sa domination avec d’autres devises, ne peut être écartée. Dans ce cas on verrait apparaître des zones monétaires géographiques, à l’image du modèle compétitif de l’entre-deux-guerres. Jusqu’à présent des indices d’une telle possibilité n’existent pas, car contrairement au passé aucune puissance ne prétend ériger son pouvoir en écrasant l’impérialisme dominant. Mais les candidats pour le partage du pouvoir mondial ne vont pas accompagner le dollar jusqu’au suicide, si l’effondrement entraînait cette monnaie. Les différents scénarios en jeu dépendent donc principalement d’un facteur : l’ampleur de la crise.

 

Orthodoxes et hétérodoxes

 

Les interprétations de la crise sont plus importantes que ses descriptions ou les pronostics. Les économistes orthodoxes sont restés sans argument devant un effondrement qui réfute tous leurs principes. Ils maintiennent un profil bas en attendant que l’orage passe et trouvent même certaines justifications de leur approbation de l’étatisation des banques. Mais comme l’hypocrisie néolibérale est apparue au grand jour et que ses porte-parole sont discrédités, on peut s’attendre au recul idéologique de la pensée droitière la plus influente au cours des dernières décennies.

 

On peut encore entendre des voix qui expliquent ce qui est arrivé par « le contrôle insuffisant des crédits » et l’octroi de « mauvais prêts » à des « clients douteux ». Mais l’impact généralisé de la bulle immobilière indique qu’il ne s’agissait pas d’erreurs occasionnelles. Les crédits de mauvaise qualité sont devenus massifs du fait de la concurrence à laquelle se sont livrées les banques profitant d’une législation permissive.

 

L’effondrement financier remet aussi en cause la confiance orthodoxe dans les paquets de crédits sophistiqués (« sécurisés »). Comme ce chantier incluait des crédits de consistance très variée, ils se sont imaginés que la diversification réduisait le risque. La crise a pulvérisé cette croyance produisant le scénario typique du sauve-qui-peut.

 

L’éclipse des talibans du marché a placé au premier plan leurs rivaux hétérodoxes. Krugman, Stiglitz et Soros n’ont pas arrêté de répéter leur théorie de la crise provoquée par l’insuffisance du contrôle, en attribuant la maladie au dérèglement et en postulant son traitement par l’application d’une dose de supervision. Ils mettent en question la faiblesse du contrôle exercé par les agences fédérales, critiquent l’élimination de la segmentation des banques imposée à la suite des années 1930 et proposent des mesures gouvernementales visant à évaluer les estimations du risque ou de contrôler le mouvement financier mondial.

 

Mais la déréglementation ne fut pas un caprice. Elle a été généralisée pour rétablir le profit et le sera à nouveau si cette variable est gravement affectée. Sous le capitalisme les contrôles sont articulés par la rentabilité. Ils se renforcent ou diminuent en fonction du profit.

 

Les fantaisies régulationistes s’inspirent de la présentation des banquiers comme seuls responsables de la crise. On suppose qu’ils agissent en marge de leurs collègues de l’industrie et de l’agriculture, étant particulièrement portés de manière perverse à la spéculation.

 

Mais parier sur un profit rapide dans la sphère financière est une caractéristique intrinsèque du capitalisme. Elle est le produit de la contrainte concurrentielle qui régit un système caractérisé par les rivalités aveugles et les bulles périodiques. Les effets de ces remous restent occultes pendant la prospérité et ne sautent aux yeux que lors des crises.

 

La nouveauté de la période actuelle réside seulement dans la portée et la sophistication de l’action spéculative. Des formes insolites d’emballage et de commercialisation des dettes ont été introduites, ainsi que des manœuvres avec des actions dérivées dont le cours est établi en fonction d’un autre actif. On a assisté à l’expansion de la titrisation (décharge des portefeuilles par l’émission de titres acquis par d’autres investisseurs), les CDS (séparation du risque créditeur pour le négocier séparément) et les CDO (fragmentation des crédits en tronçons de degré de risque différent).

 

Ce type d’opération s’est étendu à un rythme frénétique surtout après 2001 entre les banques d’investissement, dont le rapport entre les crédits offerts et le patrimoine (l’actif) a atteint un niveau effrayant. Le rapport traditionnel de 1 à 8 entre le capital propre et les prêts fournis a été amplifié de 25 ou 30 fois.

 

La dynamique propre du capitalisme a stimulé ces actions et ce qui s’est produit à Wall Street offre une leçon accélérée de ce système, de sa trame de complicités (Paulson dirigeant la Réserve Fédérale sous les auspices de Goldman Sachs) et de ses contradictions (Bush nationalisant les banques).

 

Une crise de suraccumulation particulière

 

Face aux simplifications hétérodoxes il s’avère nécessaire de reprendre les interprétations marxistes qui expliquent la crise par les contradictions intrinsèques du capitalisme. Ces déséquilibres font périodiquement irruption et ne pourront pas être éliminés tant que subsistera un régime régi par la suprématie du profit. Mais quelles sont les singularités de la crise actuelle ?

 

Le choc actuel obéit à plusieurs causes spécifiques. En premier lieu, il exprime les tensions créés par les capitaux suraccumulés dans les banques à la fin d’un long processus d’expansion fictive de fonds, exempts de contrepartie réelle dans la sphère productive. Cette atrophie s’est développée au cours des années de l’expansion des crédits et de la généralisation des titres dérivés et est le résultat du renforcement du pouvoir des financiers.

 

Mais la promotion de cette élite bancaire au sommet du capitalisme a étayé un projet régressif partagé par tous les oppresseurs. Elle a permis d’imposer une discipline sociale que les dominants exigeaient, par la gestion actionnariale des entreprises, la pression visant la rentabilité maximale et l’empire de la Bourse. Ces transformations avaient pour but explicite l’augmentation des profits au détriment des revenus populaires. La suprématie financière a été un instrument de la flexibilisation du travail et servait de garantie pour l’accroissement de l’exploitation.

 

Cette hégémonie financière a mis en place une véritable bombe à retardement qui a explosé à Wall Street. L’expansion des « finances personnelles » a transformé le travailleur en un client angoissé par les dettes. Les salariés états-uniens ont été emprisonnés dans un réseau de compromis avec les banques pour pouvoir payer leurs frais de logement, d’éducation, de santé et de retraite.

 

Ce château de cartes a commencé à s’écrouler lorsque l’insolvabilité y a fait irruption. L’impossibilité de payer les crédits sub-prime — accordés à ceux qui manquaient de revenus réguliers ou suffisant pour acquérir des logements — a été l’étincelle de l’actuel effondrement.

 

Cette crise de suraccumulation a été retardée par des refinancements au travers d’une montagne de titres sur des titres, offrant des hauts rendements. L’écheveau d’émissions a été si complexe qu’il a effacé la trace des crédits eux-mêmes dans un environnement généralisé de l’ignorance de la nature des crédits. Les banquiers eux-mêmes ne savent plus quels sont les contrats en leur possession, car en abandonnant les estimations traditionnelles des risques ils ont perdu le contact avec leurs clients.

 

Face à la valorisation fictive d’une telle ampleur l’effondrement actuel était inexorable. Ce que personne n’avait imaginé, malgré les nombreux avertissements qui l’avaient annoncé, c’est l’ampleur impressionnante de ce krach.

 

Tous les effondrements qui avaient agité depuis les années 1980 les finances latino-américaines, européennes, japonaise et asiatiques annonçaient le cyclone qui allait atteindre Wall Street. Le signal le plus explicite a été donné par la faillite du grand fonds LTCM en 1988 qui opérait avec les mêmes titres dérivés que ceux qui ont pourri le système financier états-unien. Comme la faim du profit ne cesse pas du fait des alertes, la crise de suraccumulation a finalement atteint le centre du système.

 

Surproduction nationale et mondiale

 

Pour éviter la fantasmagorie financière il est important d’analyser les contradictions productives sous-jacentes de la crise bancaire. Ces déséquilibres obéissent à un cycle de production et sont le résultat de l’inégalité périodique entre l’expansion croissante de la production et les restrictions du pouvoir d’achat qui caractérisent le capitalisme. La concurrence visant à accroître le taux d’exploitation a agrandi la brèche des excédents.

 

La surproduction a fait ouvertement irruption dans le secteur immobilier (logements) qui avait connu une forte croissance au cours de la dernière décennie. La forte montée des prix de l’immobilier et la multiplication des crédits à haut risque ont généré l’excédent actuel des logements par rapport à la demande solvable.

 

La spéculation financière a certainement renforcé cette tendance, mais les bulles les plus significatives ont toutes concerné les marchandises les plus recherchées en leur temps. La valorisation de ces actifs réveille l’espoir d’un profit croissant qui s’effondre lors du renversement des tendances. La récession mettra en évidence le même mécanisme pour d’autres biens dont les prix se sont enflammés.

 

La surproduction actuelle présente, néanmoins, une grande dimension internationale, qui dérive de la concurrence pour baisser les salaires. Ce schéma a stimulé l’ouverture des frontières au profit des corporations qui ont rivalisé pour multiplier la production en cherchant à abaisser leurs coûts ce qui a abouti à une pléthore de marchandises. Ces excédents ont été en particulier nourris par le pôle asiatique de fabrication qui a inondé le monde à travers les exportations en favorisant la dépréciation générale. Depuis les crise de la Corée du Sud et de la Thaïlande (1997) cette tendance déflationniste affecte de nombreux biens industriels.

 

La surproduction est aussi le résultat de l’internationalisation de la production stimulée par les entreprises transnationales. L’application de la micro-électronique dans l’industrie et la baisse des prix du transport et des communications ont contribué à multiplier les excédents. dans la concurrence anarchique visant la réduction des coûts ; aucune firme ne s’est posée la question : qui pourra acquérir les nouveaux biens ?

 

La lutte pour la production à bas coût a fini par encombrer les magasins. C’est le résultat de la restriction du pouvoir d’achat qui subsiste dans la périphérie et de l’instabilité de la consommation gonflée par l’endettement que la flexibilisation du travail a imposée dans les pays centraux. Les États-Unis sont l’épicentre de cet artifice mercantile fondé sur le rallongement du temps du travail et la mise au travail de tous les membres de la famille.

 

Tant que la classe capitaliste gardait l’optimisme — suscité depuis les années 1980 par le redressement du taux de profit — ces tensions restaient au second plan. Mais les marchandises excédentaires ont débordé, indiquant les limites absolues d’une consommation états-unienne pourvue par l’Asie et financée par le monde entier.

 

Sous-production des matières premières

 

L’augmentation du prix des matières premières fut le troisième pilier de la crise actuelle. La montée du prix de pétrole (qui en quelques années est passé de 10 à 120 dollars le baril) a touché les économies centrales et la hausse du prix des matières premières (de 114 % depuis 2002) a agité l’économie mondiale. Cette hausse a renversé la tendance baissière en cours depuis 1997, mais elle a débordé les variations cycliques tant par sa durée que par son ampleur.

 

L’augmentation du prix des matières premières reflète la faiblesse des investissements dans le secteur de la production des ressources naturelles. Mais elle a été renforcée par la spéculation des financiers qui ont cherché refuge dans le pétrole et les matières premières face aux pertes potentielles dans les autres secteurs. Les banquiers ont introduit sur le marché des matières premières toute l’ingénierie des dérivés de Wall Street au point que l’achat de combustible ou du blé soit transformé en une opération mathématique sophistiquée.

 

Mais la hausse du prix des matières premières a aussi influencé le processus structurel de destruction de l’environnement à l’issue de plusieurs décennies de concurrence capitaliste pour le contrôle des approvisionnements fondamentaux.

 

Cette combinaison des tendances conjoncturelles, structurelles et historiques a exercé une pression inflationniste sur les matières premières, que de nombreux spécialistes estiment devant être plus durable en ce qui concerne les combustibles (peu de découvertes, montée des coûts de l’extraction, conflits dans les zones de production) qu’en ce qui concerne les aliments.

 

Ce cycle haussier confirme que les prix relatifs des matières premières ne sont pas soumis à une détérioration systématique et séculaire. Ils souffrent des oscillations périodiques et leur augmentation adopte des modalités brusques du fait de leur sensibilité moins grande à l’augmentation de la productivité en comparaison aux produits de l’industrie. La récession mondiale imminente va imposer un plafond à l’inflation des matières premières. Mais il faudra observer si cette chute des prix atteindra le niveau du cycle précédent. Pour le moment nous avons affaire à des indices de la baisse de ces prix, mais non à leur effondrement.

 

Par conséquent la crise actuelle est le confluent de trois processus : la sous-production des matières premières, la suraccumulation financière et la surproduction industrielle. En cela elle présente des similitudes avec ce qui s’est produit en 1975-1976 et aura un impact régional très inégal.

 

Périphérie et semi-périphérie

 

Les pays périphériques ont été les principales victimes de l’étape néolibérale et ils sont candidats pour souffrir des pires effets de la crise actuelle. Ils ont souffert des effets dégradants de la polarisation mondiale qui a marqué les années 1980 et 1990. Certaines régions, telle l’Afrique, ont été écrasées par l’endettement extérieur, la libéralisation commerciale et la fuite des capitaux. Ils affrontent la tragédie de l’émigration, des réfugiés et des massacres du fait des guerres locales.

 

La début récent de la famine constitue un autre exemple de cet impact. A la suite de la spéculation financière, des déréglementations commerciales et de la spécialisation forcée dans des cultures d’exportation, l’enchérissement des aliments menace la survie de 1 300 millions d’individus.

 

Si au cours de la prospérité consommatrice des États-Unis les économies appauvries de la planète ont souffert d’un drainage massif de leurs ressources, la récession imminente anticipe des souffrances majeures. Les pays du Tiers-Monde qui expulsent leurs habitants désespérés vont affronter de nouvelles restrictions financières et une adversité commerciale majeure.

 

Le panorama est plus contradictoire dans la semi-périphérie. Une couche intermédiaire de pays non centraux — avec des classes dominantes autonomes et jouant leur propre jeu sur le marché mondial — a limité au cours des dernières années la polarisation mondiale. Ce groupe des économies concerne en particulier la Chine, l’Inde, la Russie, l’Afrique du Sud et le Brésil. Les capitalistes de ces nations ont profité de l’enchérissement des matières premières et ont développé une activité industrielle propre, en association avec les entreprises transnationales. Ils ont même forgé des « multinationales émergentes » qui opèrent à l’échelle mondiale.

 

Le changement du cycle financier a aussi réduit la charge de l’endettement dans divers pays moyens. La croissance associée à l’inégalité sociale maintenue a produit des profits suffisants pour supprimer l’endettement extérieur. C’est la raison de l’irruption des fonds souverains asiatiques ou arabes.

 

La crise en cours peut prolonger cette promotion semi-périphérique, comme cela s’est déjà produit en 1975-1982 au cours de la période des pétrodollars, de l’augmentation du prix des matières premières et de la défaite états-unienne au Vietnam. Ce processus pourrait même être consolidé si des formes de croissance, similaires à celles observées pendant l’instabilité mondiale qui a suivi la crise des années 1930, faisaient leur apparition. La stagnation des économies centrales avait alors ouvert un espace pour l’industrialisation de certains pays sous-développés.

 

Mais la récession actuelle peut aussi précipiter une dynamique opposée, mettant brutalement fin à la marche en avant des économies semi-périphériques. On assisterait alors à la répétition du scénario de 1982-1990, lorsque l’offensive néolibérale a précipité une chute du prix des matières premières et une asphyxie de l’endettement, qui a angoissé le gros de la planète.

 

Il est prématuré pour anticiper laquelle des deux tendances prévaudra, ou si c’est une combinaison des deux qui émergera. La fuite des capitaux — qui affecte la Russie ou le Brésil — coexiste jusqu’à maintenant avec l’affirmation des fonds souverains qui prennent part au sauvetage des banques états-uniennes et qui seront capables de se faire payer cette aide.

 

Contrairement à tous les effondrements financiers des deux dernières décennies, l’Amérique latine est la réceptrice et non la génératrice de la crise actuelle. Mais la dépendance inégale de ces divers pays envers les États-Unis produit des effets différenciés de la récession en cours. Alors que le Mexique et l’Amérique centrale sont très liés à cet épicentre, le Cône Sud préserve un plus grand degré d’autonomie. La transmission financière du krach est aussi inégale selon l’importance du refinancement extérieur de chaque pays. Les économies périphériques et semi-périphériques de cette région ont suivi des directions divergentes.

 

Mais dans l’immédiat les difficultés d’intervention de l’impérialisme états-unien dans sa cour arrière vont s’accentuer. Cette limitation renforce les marges de manœuvre en vue de la mise en place des politiques économiques en rupture avec les créanciers et pour procéder à la nationalisation des ressources naturelles. De telles orientations pourraient réduire les inégalités sociales et profiter aux majorités populaires, si elles sont mises en œuvre en opposition aux classes dominantes locales.

 

Le socialisme dans l’objectif

 

La crise en cours sera résolue sur le plan politique. Examiner la portée de cet événement dans des termes exclusivement économiques ne permet pas de saisir ce qui est en jeu entre les forces en lutte. Sans comprendre la nature capitaliste du tsunami financier on ne peut pas chercher les remèdes efficaces de ses conséquences. La lutte contre le régime social qui est à l’origine des malheurs actuels est la seule voie pour empêcher les souffrances de retomber sur la majorité populaire.

 

Dans la lutte pour éclaircir le caractère capitaliste de la crise il ne faut pas entrer en concurrence avec la presse en ce qui concerne la prévision des effondrements plus grands encore. La frayeur que les médias propagent tend davantage à susciter la paralysie que l’indignation. Au lieu de présager des scènes ténébreuses il convient de travailler aux propositions qui ouvrent des alternatives populaires.

 

Cette attitude se situe aux antipodes du conformisme ou de la croyance résignée dans la durée éternelle du capitalisme. Il est faux de supposer que ce système s’en sortira toujours, quelle que soit la tragédie qu’il impose à la majorité de la société. Imaginer que le capitalisme est immuable est aussi fataliste que de faire abstraction des stratégies et des actions pour son éradication.

 

Certains penseurs de gauche acceptent formellement ces prémices, mais font valoir que ce n’est pas le moment de travailler dans une direction anticapitaliste. Ils justifient cette attitude par « l’absence des conditions favorables » ou par « le poids des défaites accumulées ».

 

Une telle attitude bloque toute approximation des transformations politiques et idéologiques en cours. Le socialisme n’est pas un hymne pour l’éphéméride ni un rêve de nostalgique. C’est un projet à implanter aux moments critiques et à diffuser avec vigueur quand le capitalisme exhibe sa face la plus néfaste. La nouvelle conjoncture se sent dans le changement brutal du langage de la presse. Par désespoir ou confusion les grands médias ne font plus les éloges du capitalisme. Avec panique et stupeur ils ironisent sur le « socialisme pour les riches » qui accompagne le sauvetage des banquiers. Ils ne savent pas que le véritable socialisme est l’antithèse de ce sauvetage, qu’il vise à aider les abandonnés et à pénaliser les fortunés. Au début d’un grand tournant politique ce message simple peut retrouver sa vieille popularité.

 

Buenos Aires, le 4 octobre 2008

 

KATZ Claudio

 

* Paru dans Inprecor n° 541/542 de septembre-octobre 2008.

* Claudio Katz, économiste, chercheur et enseignant, est membre de EDI (Économistes de gauche), Argentine. Son site web : www.lahaine.org/katz

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